mercredi 27 juin 2007

Réforme universitaire(2)

Continuons notre palpitante analyse du projet de la réforme des universités.

Concernant le conseil scientifique:
la part étudiante passerait d'une fourchette de 7.5% à 12.5% à une fourchette de 10% à 15%. C'est une bonne réforme, qui renforce le poids des étudiants. Encore faudrait-il que son pouvoir ne soit pas diminué, c'est à dire qu'il continue à présider (avec les autres conseils et le président) l'université, et qu'il puisse élire le président.
Concernant le conseil des études et de la vie universitaire:
Ses domaines d'interventions ne sont pas modifiés, mais au lieu de proposer et de préparer, il est simplement consulté. Cela va toujours dans le sens d'une restriction des pouvoirs du CEVU; le CEVU doit pouvoir continuer à être une force de proposition, et pas simplement de consultation (d'autant plus qu'il n'est même pas précisé ce qu'on fait de son avis; est-on obligé d'en tenir compte?). Bien entendu, cette réforme est à rejeter.
Autre réforme, minime, sur les modalités de vote, qui consiste pour l'essentiel à changer l'ordre des phrases. Après tout, si cela les amuse...
Réforme minime également sur les composantes de l'université, article L713-3. Elle permet toutefois de supprimer la mention des deux tiers nécessaires pour réformer les structures internes.

Concernant le comité technique paritaire:
Dans quel sens est-il paritaire? Egalité de personnes intérieures et extérieures? Egalité hommes femmes? Egalité étudiants- enseignants? On nage dans le flou complet. Puis mettre paritaire dans le titre, comme si c'était l'attribut suprême, la caractéristique principale, est absolument ridicule. En outre, la mention de ce fameux comité technique paritaire est placée à un endroit bizarre, dans un article où la disposition précédente n'a absolument rien à voir. Enfin, l'article est très curieusement rédigé:
"Un comité technique paritaire est créé dans chaque université par décision du président après délibération du conseil d’administration."
La formulation est tellement vague qu'elle ne répond pas à plusieurs questions:
si le président est contre la création d'un tel comité, le comité est-il créé? Le président est-il obligé de décider la création d'un comité? A quoi sert la délibération du conseil d'administration, si c'est le président qui décide? Si le conseil d'administration est contre la création du comité, va t-elle se faire quand même? Dans ce cas là, il n'y aucun intérêt à délibérer. Bref, on est complètement perdu. Mais ce n'est pas tout. Après, on parle d'une commission technique paritaire. Est-ce un autre nom pour désigner la même chose? Si oui, cette commission paritaire existe déjà (même s'il n'est toujours pas expliqué en quoi elle est paritaire). Seule modification, on restreint ses compétences, puisqu'elle ne prépare plus, dans le nouveau projet, les travaux des conseils des établissements publics d'enseignement supérieur. Et le changement de nom n'a aucun intérêt, si ce n'est de brouiller des choses déjà suffisamment confuses. Sinon, si ce n'est pas la même chose, alors on peut remarquer qu'à aucun moment le rôle du comité n'est défini. Ainsi, ce texte parle de la création d'un comité technique paritaire, mais on ne sait pas en quoi il est paritaire, les modalités de sa création sont extrêmement floues, et on ne sait pas à quoi il sert. C'est d'une précision bouleversante! Avec cela, on est tranquille pour la gestion future de nos universités. On ne peut que suggérer à M Sarkozy de laisser tomber son comité.

Tout ce que nous venons d'analyser, c'était le premier thème de la réforme, la gouvernance.
Pour résumer, elle tient en quelques idées clef:
renforcer le pouvoir du président et du conseil d'dministration
diminuer le pouvoir du CEVU, du CS et des étudiants.
Globalement, à quelques exceptions près, ce premier paquet de réforme est mauvais. Bien entendu, on ne sera pas hostile à la discussion, mais en l'état ce n'est pas acceptable, en particulier le projet de fixer les effectifs des conseils d'administration à 20 personnes, dont trois étudiants.

Deuxième grand thème, concernant l'autonomie des universités.
Pour faire simple:
Cette autonomie porte sur la répartition du budget. Chaque établissement se verrait doté d'un montant qu'il pourrait attribuer comme il veut.
La deuxième disposition concerne les emplois; le président (ou le conseil d'administration) peuvent recruter des enseignants chercheurs et définir la répartition entre l'enseignement et le service.
Même si le fait que c'est le président qui est responsable de l’attribution des primes aux personnels est contestable (trop de pouvoir au président), globalement, c'esst une excellente chose. Par nature, l'Etat gère mal, victime d'une administration pléthorique et inefficace, d'un trop grand nombre de choses à gérer. Le problème en France est que l'Etat veut tout faire: transports, postes, santé, enseignement, etc. Et donc il fait mal, et n'est même plus capable d'assurer la sécurité; il est temps que l'Etat se reconcentre sur ses missions régalières (armée, défense, diplomatie, justice entre autres). L'université saura bien mieux qu'un Etat impotent où il doit affecter les emplois et l'argent. Il suffit d'ailleurs de regarder les ex universités qui ont quitté le moule unique pour acquérir de l'autonomie: Dauphine est à cet égard exemplaire, et l'autonomie lui a parfaitement réussi.
Toutefois, cela ne s'arrête pas là: c'est au conseil d'administration de définir les conditions d'admission dans le deuxième cycle. Il n'y a donc pas imposition d'une sélection pour l'admission au deuxième cycle, mais les conseils d'administration pourront éventuellement en instaurer une. Avant, il suffisait d'avoir une licence pour entrer dans l'université de son choix, avec le projet, une université pourra imposer des conditions supplémentaires. Pourquoi pas? Il est toujours triste de voir des étudiants qui ont obtenu leur licence à l'arrachée et qui ensuite veulent postuler pour un master qu'ils n'auront pas, et ils risquent de perdre un an, voire plus. Toutefois, il faudrait peut être préciser un peu plus, de manière à privilégier les avis de l'établissement et la discussion entre l'étudiant et l'établissement.
Une autre modification autorise l'embauche d'étudiants, par exemple pour le tutorat ou le service en bibliothèque. Bien évidemment, cette réforme est à approuver; elle permet aux étudiants de se familiariser avec l'université, et d'avoir une chance de trouver un travail aux horaires flexibles et cela sans temps de déplacement.
Autre modification, le droit pour les étudiants élus à une information et une formation. Etre élu demande un minimum de connaissances et d'aptitudes, de là à avoir une formation spécifique... Enfin, on ne va pas refuser une si belle proposition.
Quelques détails, comme l'examen d'une candidature d'enseignant par un comité de sélection créé par délibération du conseil d'administration (s'ils y tiennent, pourquoi pas),.

Nous continuerons l'examen demain.

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