lundi 25 juin 2007

Réforme universitaire(1)

J'avais prévu de parler de la réforme universitaire, mais l'administration m'en empêche: le site Legifrance est "en maintenance". Encore un bel exemple de l'efficacité du service public que, bien entendu, le monde entier nous envie, selon la formule consacrée.
Tant pis, cela attendra demain.

La "maintenance" étant terminée (franchement, la différence entre avant et après m'échappe totalement), nous pouvons traiter de la réforme des universités, réforme gérée par mme le Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche (et pas le ministre des universités, comme M Hollande semble croire).
Le projet est publié sur le site autonomiedesuniversites.com , il n'y a plus qu'à comparer article par article les différences.
Première modification: une mission serait ajoutée au service public de l'enseignement supérieur, "l'orientation et l'insertion professionnelle". C'est une très bonne chose, cela permet de marquer de manière forte le lien entre les études et l'emploi; trop souvent, des étudiants perdent trois ou quatre ans pour obtenir une licence d'histoire pour terminer dans des métiers n'ayant rien à voir avec l'histoire, par exemple facteur (ce n'est pas Olivier Besancenot qui me contredira sur ce point). Les études doivent préparer à l'emploi; c'est une évidence, mais cela va encore mieux en le disant. Remarquons toutefois que ce ne serait pas la première mission de l'université; elle viendrait en troisième, derrière "la formation initiale et continue" et "la recherche scientifique et technique ainsi que la valorisation de ses résultats".
Deuxième modification (article L711-7 du Code de l'éducation): pour définir les statuts et structures internes, il faudrait au conseil d'administration, non plus "la majorité des deux tiers des membres présents ou représentés, celle-ci représentant au moins la moitié des membres en exercice," mais "la majorité absolue des membres présents ou représentés". Il y a donc en fait deux sous modifications: la première, on passe des deux tiers à la moitié, la deuxième, il n'y a plus de condition minimale sur les membres en exercice; autrement dit, une réforme importante peut être décidée quand il y a trois membres présents du conseil. Supprimer la condition minimum sur les membres en exercice fait courir le risque d'une réforme acceptée par une minorité active et présente, mais qui aurait été rejetée si tout le monde avait été là. C'est une réforme dangereuse, qui brise un relatif consensus et risque de créer des fractures et oppositions au sein des conseils d'administration. L'article en question
avait d'ailleurs déjà été modifié en avril 2006.
La troisième modification tend à abaisser le rôle du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire; en effet, alors qu'actuellement ce sont les quatre conseils et le président qui administrent l'université, avec le nouveau texte, le rôle incomberait seulement au président et au CA. Or, le conseil scientifique et le CEVU assurent des tâches dont le CA ne peut pas se charger; le CEVU et le CS sont des composantes essentielles de l'université et ont droit à de la reconnaissance pour leur rôle. Bref, c'est une mauvaise modification.
Quatrième modification (plutôt un bloc de modifications) à propos du Président:
alors qu'auparavant il était élu par les trois conseils, là il ne serait élu que par le CA. Cette modification va dans le même sens que la précédente: minimiser le rôle du CEVU et du CS. Il est vrai que le CA doit avoir un plus grand rôle de par sa nature que les autres conseils, mais c'est déjà le cas, vu que les effectifs du CA sont plus élevés que les effectifs des autres conseils. Nous rejetons donc la disposition: le président doit pouvoir répondre aux attentes et aspirations de tous les conseils de l'université, et non seulement du CA. Réforme allant dans le même sens, le mandat du président expirerait à l'échéance des membres du conseil d'administration. Là encore, le CEVU et le CS sont délibérément négligés. Au cas où les choses ne sont pas claires, le texte insiste avec cettte disposition "Dans le cas où le président cesse ses fonctions pour quelque cause que ce soit, un nouveau président est élu pour la durée du mandat de son prédécesseur restant à courir.", disposition discutable.
Autre changement concernant le président: avant, il devait être un enseignant-chercheur permanent, en exercice dans l'université, et de nationalité française. Bien entendu, la référence à la nationalité française disparaît (cela m'étonne d'ailleurs que la Halde, le Mrap, Sos racisme ou autres associations du même genre n'aient pas hurlé au racisme et à la discrimination); de plus, il doit appartenir seulement "à l’une des catégories de personnels qui a vocation à enseigner dans les établissements d’enseignement supérieur." Novlangue, nous voilà! Qu'est-ce que cela désigne, si ce n'est un enseignant? Y aurait il des catégories de personnels qui auraient vocation à ensiegner sans être enseignant? Ou c'est oui, et dans ce cas là, un peu de précision supplémentaire ne nuirait pas, ou c'est non, et dans ce cas là la périphrase n'a aucun intérêt, si ce n'est d'alourdir les textes. On remarquera qu'un enseignant, sans jamais avoir enseigné à l'université X, pourra postuler pour devenir président de ladite université. C'est étrange, dans la mesure où il faudrait quand même que le nouveau président connaisse un minimum l'université qu'il dirigera! Ces propositions nous paraissent donc confuses et, sans être catastrophiques, vont dans le mauvais sens.
Concernant ses attributions, certaines reformulations sont extrêmement curieuses:
Texte actuel:" Il [le président] la représente à l'égard des tiers ainsi qu'en justice, conclut les accords et les conventions. Il est ordonnateur des recettes et des dépenses de l'université. Il préside les trois conseils, prépare et exécute leurs délibérations, reçoit leurs propositions et avis. Il a autorité sur l'ensemble des personnels de l'établissement. Il affecte dans les différents services de l'université les personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service. Il nomme les différents jurys. Il est responsable du maintien de l'ordre et peut faire appel à la force publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat."

On s'est amusé à changer l'ordre des phrases (quelle utilité?), et on en ajouté une, mais l'ajout a été très mal fait (en gras). Les deux phrases en gras devraient être inversées, cela n'a aucun sens de parler d'affectation quand on ne sait pas ce qui est affecté!

Texte proposé: "Il préside les trois conseils, prépare et exécute leurs délibérations, reçoit leurs propositions et avis. Il représente l’université à l’égard des tiers ainsi qu’en justice, conclut les accords et les conventions. Il est ordonnateur des recettes et des dépenses de l’université. Il a autorité sur l’ensemble des personnels de l’établissement. Aucune affectation ne peut être prononcée si le président émet un avis défavorable motivé. Il affecte dans les différents services de l’université les personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service. Il nomme les différents jurys. Il est responsable du maintien de l’ordre et peut faire appel à la force publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Il exerce en outre, au nom de l’université, les compétences de gestion et d’administration qui ne sont pas attribuées à une autre autorité par la loi ou par le règlement."

A part cette maladresse de rédaction, on note deux changements de fond:
Le président peut s'opposer à une affectation
Il exerce les compétences de gestion et d'administration qui ne sont pas attribuées.
La première disposition renforce considérablement le pouvoir du président; il y a là un véritable risque de dérive autocratique. De même, dans une université, il y a toujours des confusions sur les rôles divers des uns et des autres (je parle d'expérience, étant membre du CA de mon université), et le président pourrait s'approprier tous ces pouvoirs non attrivués. Non seulement, le président est élu uniquement par le CA, il n'a même pas besoin d'être Français ou membre de l'université mais en plus on renforce considérablement ses moyens! Il y a là de gros risques.
Le dernier point limite les délégations de signature.

Il y a également des modifications concernant les différents conseils
Conseil d'administration:
La première modification porte sur l'effectif du conseil et sa composition. La version actuelle mentionnait simplement des pourcentages (exemple 20 à 25% d'étudiants). La version proposée fixe l'effectif à 20 personnes et également la composition de manière très précise. On note par rapport à la version actuelle une surreprésentation des personnalités extérieures (35%), dont la composition est précisée jusque dans les détails, et qui inclut des personnes pas forcément passionnées par les conseils d'administration, comme une personnalité du conseil régional (d'ailleurs, quid de la ville et du département?), et une sous représentation des étudiants, qui passent à 3, soit 15% de l'effectif. Cette disposition est inacceptable; trois étudiants, cela veut dire au macimum trois tendances étudiantes représentées, c'est une force de proposition amoindrie. A partir du moment où on a instauré des conseils et une représentation étudiante, il est normal que celle ci ne soit pas réduite à la portion symbolique. De même pour la diminution en effectid des autres collèges, on risque de devoir se passer de personnalités de valeur. On remarque d'ailleurs, avec les nouvelles dispositions, que si par exemple il y a trois absents, qu'une réforme concernant les structures internes peut passer simplement avec l'assentiment des personnalités extérieures et deux personnes intérieures, les huit autres personnalités intérieures pouvant être contre, soit un taux intérieur d'acceptation de 20%. Ainsi, l'université peut être dirigée par des personnes qui y sont étrangères, et les étudiants sont très mal représentés. Je crois que c'est vraiment la disposition la plus inacceptable.
Concernant les affectations du conseil d'administration, quelques changements de formes (dispotion du texte, ordre des attributions) et des changements de fond: le conseil garde toutes ses attributions antérieures et pourra délibérer en plus sur les créations de fondations, le règlement intérieur de l’établissement, et les règles concernant les examens. C'est une bonne disposition, mais encore faudrait-il qu'il y ait un nombre raisonnable d'étudiants qui y siègent.

Nous traiterons de la suite demain.