vendredi 25 avril 2008

Quand les lycéens réclament plus de sécurité

LE MONDE DU 18/04/08:

"Réagissez vite s'il vous plaît Mr l'Inspecteur", "Moi personnellement je ne peux plus travailler dans ces conditions et je vous informe que j'ai un avenir devant moi, que j'ai un brevet, un bac et un métier à obtenir". En haut à gauche de la feuille, Jenny (tous les prénoms ont été modifiés), 15 ans, élève de 3e au collège Jean-Moulin d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), a écrit son nom et sa classe, comme s'il s'agissait d'une rédaction. L'écriture est ronde, appliquée. La lettre adressée à "Monsieur l'inspecteur". "Bonjour, commence-t-elle, j'ai l'honneur de m'adresser à vous pour vous faire part des conditions dans lesquelles nous, tous les élèves de ce collège, travaillions."

L'orthographe et la syntaxe sont hasardeuses mais c'est un appel au secours, celui d'une adolescente qui désespère de ne pas pouvoir travailler dans la sérénité. "Des élèves à l'intérieur et à l'extérieur du collège s'amusent à jetter des bouteilles remplies d'acide, des poubelles, des oeufs, des tomates... sur les élèves", raconte la jeune fille, décrite comme une excellente élève par ses professeurs. "Et encore ce n'est pas tout !, poursuit-elle. Nous ne sommes pas en sécurité ! Il y a des agressions physique et verbale. Dans ce collège, des élèves s'amusent à interrompre les cours d'autres élèves (...). D'autres sèchent leurs cours et trainent dans les couloirs, se mèttent à crié comme des sauvages. D'autres saute la grille."


"RÉAGISSEZ-VITE, MR L'INSPECTEUR"


Une soixantaine d'élèves de 4e et 3e du collège ont écrit à l'inspecteur d'académie de Seine-Saint-Denis pour l'alerter sur la situation de leur établissement. Des lettres souvent émouvantes - les plus longues font une page et demie, les plus courtes deux lignes. Des lettres qui traduisent leur désarroi et leur souffrance face à la violence ordinaire d'un collège "sensible" de la banlieue parisienne.

Des lettres d'adolescents traumatisés par les derniers débordements dont ils ont été témoins : mardi 8 avril, une dizaine de jeunes se sont présentés devant l'établissement. D'abord pour "faire un blocus" - sans doute pour copier les lycéens qui protestent contre la baisse des moyens et les réformes portées par le ministre de l'éducation nationale, Xavier Darcos.

Mais la situation dégénère. Avec des poubelles, ils tentent d'enfoncer le portail. Puis ils jettent dans la cour de récréation des bouteilles contenant de l'acide et de l'aluminium - un mélange explosif dont la recette circule sur Internet. "Deux bouteilles ont explosé. Ça a fait un bruit énorme et de la fumée blanche", raconte un enseignant. Profitant de la confusion, les assaillants montent à l'étage, jettent des oeufs dans les salles de classe. En plein cours. Devant des collégiens médusés et effrayés.

"Ils portaient des capuches mais on en a reconnu une partie : la plupart étaient d'anciens élèves, exclus définitivement de l'établissement", témoigne une enseignante, Alexandra Bonvalot. Les professeurs choisissent de "débrayer" et de réunir les élèves dans la cour. Préviennent les parents. Un professeur de français, Emmanuel Tridant, 38 ans, propose de faire réagir les collégiens en leur demandant d'écrire à l'inspecteur d'académie.

Le lendemain matin, les adolescents livrent une parole brute, qui dépasse l'épisode violent de la veille. Fatima, une élève de 3e, dit avoir très peur. "Heuresement que l'année prochainne je ne serai plus la. Ma soeur si et sa m'inquiete car c'est pas la première fois que sa arrive. Il y a toujours des bagarres, du rackettage (...)." Nora, une 3e souvent absentéiste, décrit sa vision très sombre de l'établissement. "Des anciens élèves du collège rentre dans le collège en vélo pour faire le bordel, l'année dernière ils ont brûlés la segpa (la cage d'escalier de la section d'enseignement adapté avait été détruite). Les toilettes sont sales il y a même pas de papier toilette. Dans les salles les tables sont sales car il ya des écritures dessus, des cheewing-gum collé partout."

Rima s'inquiète de l'effet de contamination des comportements violents : "Les élèves qui ne sont pas des perturbateurs on tendance à se fair influencer", raconte-t-elle. "Des gréves et des agressions perpetuel envahissent notre quotidien". D'autres évoquent les bagarres collectives : "Certain élève se font cafouiller", écrit un élève de 4e, en précisant que cela signifie "tapé 1 éleve a plusieure". "Les conditions de travaille sont désespérable", ajoutent deux élèves de 3e, néologisme involontaire à l'appui.

Charlotte, aussi en 3e, exprime son "ral bol" et son impatience. "Réagissez vite s'il vous plaît Mr l'Inspecteur pour trouver des solutions à tout ces problèmes." Des idées, les élèves en ont presque tous. D'abord octroyer plus de moyens au collège - comme le demandent par ailleurs les enseignants à travers des grèves ou des manifestations, fréquentes depuis trois ans. "Il ne faut plus dissoudre de postes de professeur car sinnon l'éducation des elèves est très menacée", note, par exemple, Mike, en 3e. Beaucoup réclament plus de surveillants.

Mais c'est l'exigence de fermeté, voire de répression, qui apparaît la plus forte. Nayla, élève de 3e, suggère d'installer des caméras de vidéosurveillance "un peu partout dans le collège" afin de ne plus avoir peur dans les couloirs. "J'aimerais que il y a la police (à côté de l'entrée)", explique un 4e. "Nous exigeons des grille fermé, des porte blindé et une tenue classe pour montrer une bonne image pour l'année prochaine dans le collège", écrivent Karim et Christophe.

Un 4e pense que "les éducateurs devrait être plus sévèr en vers les élèves". Tous veulent des contrôles plus efficaces à l'entrée pour limiter les entrées intempestives d'adolescents extérieurs. Jenny a le dernier mot. Elle qui pense à son avenir, à son brevet, à son bac, sait ce qu'il faut. Deux mots en bas de sa feuille à gros carreaux, sans une rature, écrite d'un seul trait, d'un seul souffle : "Plus d'autorité !"

Luc Bronner

Campagne municipale à Londres

Des élections municipales auront bientôt lieu à Londres. Les sondages pressentent la défaite de Ken Livingstone, membre de l'aile gauche du parti travailliste et islamolâtre.

Un parti est en pleine campagne, il s'agit du British National Party, bien à droite.

Un article du Figaro sur sa campagne:

L'extrême droite séduit les banlieues de Londres
Stéphane Kovacs
15/10/2007 | Mise à jour : 18:59 |
.
LA SEMAINE DERNIERE, un magnifique bouquet a été livré à la permanence du ministre de l'Emploi, Margaret Hodge, dans sa circonscription de Barking, à l'est de Londres : huit lys blancs et deux roses rouges. Un cadeau du British National Party (BNP). «Je lui devais bien cela, clame Richard Barnbrook, candidat de l'extrême droite à Barking. Je ne pourrais jamais assez la remercier pour la formidable campagne qu'elle m'a faite.»

Le ministre avait créé la stupeur, il y a quinze jours, en révélant que dans sa circonscription, une banlieue ouvrière traditionnellement acquise au Labour, «huit familles blanches sur dix» seraient tentées par un vote BNP lors des élections locales du 4 mai. «D'où les huit lys blancs et les deux roses rouges !, sourit Richard Barnbrook. Et j'ajouterai que nous avons même gagné les faveurs de deux familles de couleur sur dix».

Selon un récent sondage, 24% des Britanniques ont dans le passé envisagé ou envisagent de voter pour le BNP le 4 mai. Les trois quarts (71%) se justifient par le fait que la Grande-Bretagne «est presque devenue un pays étranger», et 67% parce qu'il faudrait «prendre des mesures plus dures contre les musulmans qui veulent détruire ce pays». Aux élections législatives de l'an dernier, le parti n'avait recueilli que 0,7% des suffrages.

Dépliants racoleurs et sourires compatissants

Pour ce scrutin local, le BNP a accrédité un nombre record de candidats : 356. Il dispose actuellement de 15 conseillers municipaux dans l'ensemble du pays, mais, selon l'observatoire antifasciste Searchlight, pourrait en compter 70 au lendemain du 4 mai.

«C'est un phénomène que nous n'avions jamais connu, insiste Margaret Hodge. Avant, quand les gens votaient BNP, ils avaient honte de le dire. Plus maintenant.» A Barking, dit-elle, les électeurs se sentent «incompris» et «abandonnés» par les grandes formations. «Le Parti travailliste n'a pas parlé à ces gens, regrette le ministre. Tout ce que nous faisons, c'est glisser des dépliants dans des boîtes aux lettres.»

La méthode BNP s'avère plus efficace. Avec son vieux costume de velours beige et ses gros godillots de montagne, Richard Barnbrook, mèche blonde et sourire carnassier, parcourt «cinq ou six miles par jour» et prend le temps de serrer des mains et d'écouter les préoccupations des électeurs.

«Oh, encore ces travaillistes !», grommelle une mère de famille en s'apprêtant à changer de trottoir. «Non, c'est le BNP, madame !», répond poliment Richard Barnbrook en montrant la cocarde tricolore épinglée à son veston. La quinquagénaire s'arrête et vide son sac : veuve, sans emploi, elle vit avec ses trois enfants et sa petite-fille dans un deux-pièces. «Et pourquoi on ne me donne pas un logement social, à moi ?, s'offusque-t-elle. Pourquoi on ne nous traite pas comme ces immigrés, qui rien qu'en claquant des doigts obtiennent tout ce qu'ils veulent ? Si vous êtes élu, j'aurais peut-être une chance d'avoir un autre appartement. Maintenant, il faut se battre pour reprendre ce qu'ils nous ont piqué

Même frustration chez Sandra, mère de trois adolescents : «On attend un trois-pièces, mais on est 140e sur la liste ! Et à chaque fois qu'un nouvel immigré arrive ici, il nous passe devant. Pourtant, nous, on paie des impôts
...» Un peu plus loin, sur le perron de son petit pavillon de briques rouges, une jolie blonde fulmine : «L'autre jour, il y a un Nigérian qui a craché dans mon jardin ! Et voyez ces Bosniaques qui viennent d'obtenir une maison de trois étages...» Une autre famille a déployé la croix de saint George, le drapeau anglais, à ses fenêtres, «car elle se sent étrangère dans son propre pays».

A grand renfort de dépliants racoleurs et de sourires compatissants, Richard Barnbrook engrange les voix. «Vous voyez, ce n'est pas du racisme, c'est de la colère !, analyse ce professeur d'histoire de l'art de 45 ans, ancien membre du Parti travailliste. Le Labour a abandonné ses valeurs traditionnelles, ainsi que la classe ouvrière. Le gouvernement a fait des plus charitables d'entre eux des gens frustrés et aigris. Aujourd'hui, je dirais que nous sommes plus travaillistes que le Labour.»

Le manque de logements n'est pas le seul problème de Barking. Ici, 40% des habitants n'ont aucune qualification et seuls 56% ont un emploi. «Même la qualité de vie s'est détériorée, regrette Robert Bailey, un autre candidat du BNP. Avant, dans cette rue, tout le monde se connaissait, s'entraidait. Aujourd'hui, les gens me disent qu'ils ne se sentent pas en sécurité le soir...»

L'impact des attentats de juillet

Richard Barnbrook renchérit : «Toujours la même cause : l'année dernière, Margaret Hodge a fait venir 500 Noirs dans ma circonscription, affirme-t-il. En cinq ans, la part des immigrés y est passée de 5 à 33% !». Margaret Hodge le reconnaît d'ailleurs : «Ce qui effraie le plus les gens, c'est la rapidité des changements, dit-elle. Nulle part ailleurs, cela a changé si vite.»

Meilleur score du BNP, avec 16,9%, lors des élections générales de 2005, Richard Barnbrook espère récolter, cette fois-ci, 35 à 38%. Car entre-temps, il y a eu les attentats de juillet à Londres, conséquence, selon le BNP, «de la politique d'immigration laxiste et de la participation britannique à la guerre en Irak».

Au bistrot du coin, les deux Noirs qui jouent au billard n'ont aucun mouvement de recul à la vue des militants du BNP. Ils acceptent même de discuter. «C'est difficile d'avouer cela quand on est noir, mais je ne voterai plus Labour, à cause de ce flux ininterrompu d'immigrés, affirme ce Jamaïcain de 37 ans, né en Grande-Bretagne. Je ne voterai pas non plus pour le BNP, mais je comprends les gens : le gouvernement fait venir plein d'immigrants inconsidérément. La plupart ont des maladies contagieuses comme la tuberculose ou le sida, qui peuvent nous contaminer, ou en tout cas nous coûter cher en aides sociales.» A la table d'à côté, le candidat du BNP sourit : «Je n'osais pas vous dire cela, j'avais peur d'être taxé de raciste...»